Ecrivaine, dramaturge, performeuse
Olivia Rosenthal, écrivaine, a regardé beaucoup de films et beaucoup d’animaux. Ses observations l’ont conduite à la fois à écrire des livres Toutes les femmes sont des Aliens (Verticales, 2016) ou Ils ne sont pour rien dans mes larmes (Verticales, 2012), à écrire pour le cinéma (Les Larmes et Tous les adultes ne sont pas méchants deux films de Laurent Larivière) et de manière générale à considérer la métamorphose (de soi et des autres) comme une force émancipatrice et joyeuse (Macadam animal, spectacle créé avec Eryck Abecassis en 2018 ou Eloge des bâtards, Verticales, 2019). La Féline de Jacques Tourneur, film dont elle parle abondamment dans Que font les rennes après Noël (Verticales, 2010, prix du livre Inter 2011) n’est pas pour rien dans cette conviction même si, dans le cas du personnage joué par Simone Simon, la métamorphose est une expérience à la fois terriblement excitante et profondément malheureuse. C’est que depuis longtemps les femmes sont considérées avec une certaine circonspection, surtout lorsqu’elles essayent de décrire ou de partager leurs pulsions et leurs désirs. La féline de Jacques Tourneur, femme et/ou panthère, étrangère, attirante, mystérieuse, n’échappe pas à la règle. Elle ne pouvait pas être l’héroïne d’un film sans payer in fine pour la force séduisante qu’elle dégage. Heureusement les souvenirs déforment les œuvres de sorte qu’on garde en mémoire moins la déroute de Simone Simon que sa triste victoire, c’est-à-dire sa connaissance précise, solitaire, intime, de ce qui l’animait et de ce que personne ne voulait croire. Ce film court et intense n’est donc pas directement un éloge des femmes mais il peut, quand on le prend en pleine face à l’adolescence, conduire à reconnaître en soi cette part animale qu’on a tendance à gommer ou à recouvrir de peur de n’être pas assez digne de ses semblables. Non, les semblables ne sont pas tous identiques et normés et la soi-disant raison n’est pas le seul outil à même d’explorer nos vies intérieures. D’ailleurs si on écoute attentivement les derniers mots du film (qu’on ne révélera pas ici pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte), nous sommes avertis: ce n’est pas parce qu’on a en soi un devenir-animal qu’on perd toute lucidité, bien au contraire.
Quelques liens.
Les Larmes de Laurent Larivière sur un texte d’Olivia Rosenthal https://vimeo.com/39041100
La nuit américaine d’Angélique de Joris Clerté et Pierre-Emmanuel Lyet sur une idée originale d’Olivia Rosenthal https://vimeo.com/109677043
Macadam animal, spectacle écrit, joué et interprété par Olivia Rosenthal (texte) et Eryck Abecassis (vidéo et musique)
Elle était notre invitée lors de la séance consacrée à La Féline (mai 2015)