The Singer Not the Song (Le Cavalier noir)

The Singer Not the Song (Le Cavalier noir), Roy Ward Baker, 1961, Royaume-Uni

Western psychologique dans lequel le sujet de fond est le combat entre un gentil curé, le Père Keogh, chargé d’évangéliser un village mexicain qui vit sous la crainte du méchant Anacleto. Ce dernier est athée, anticlérical et fait régner sa loi dans ce village. Le décor est posé : un méchant, un gentil, un shérif absent, une femme fatale et on attend, classiquement, les coups de pistolets entre les deux camps et une femme partagée entre un gentil et un méchant pour porter le climax sentimental de l’histoire. On pourrait même se douter de la fin : le gentil gagne et le méchant perd. Le western est un genre cinématographique et il a ses codes.

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Cependant, nous sommes en 1961 et le réalisateur, athée et plein d’imagination, décide de donner un éclairage particulier à ce western. Il choisit de présenter Anacleto, pour sa première apparition à l’écran, moulé dans un pantalon de cuir noir très (vraiment très) près du corps, posant avec un déhanché non équivoque. Ce hors-la-loi, incarné par Dirk Bogarde, est informé par sa bande que le nouveau curé est « jeune et qu’il devrait (lui) plaire ». Le bandit de western habituel, assoiffé de sang et le visage buriné par le soleil et la poussière, apparait sous les traits d’un personnage qui inspire plus le mythe de l’homme gay des magazines des années 60 : jeune, beau, bien vêtu, efféminé, se donnant l’air dur et « préférant les jeunes » ! Film de genre ?

Vous avez dit film de genre ? Cela se confirme justement lorsque la tension amoureuse s’installe entre Anacleto, le bandit à l’attitude équivoque, et le Père Keogh, qui veut tellement le sauver qu’il s’en rapproche … sentimentalement. Et pour mieux le souligner, Locha, remarquablement interprétée par Mylène Demongeot, est cette femme qui renforce auprès du spectateur les non-dits entre nos protagonistes. Plusieurs fois elle nous fait comprendre que le doute n’est pas permis : la jeune fille séduisante a bien un rival amoureux qui l’empêche d’obtenir les faveurs du curé : c’est Anacleto. Elle devient l’assistante de l’homme d’Eglise pour être visible. Lui, il n’a d’yeux que pour l’impie. Anacleto ira même prétexter une confession – alors qu’il est athée ! – pour pouvoir se retrouver seul à seul avec le curé. Que lui confie-t-il ? Le spectateur ne le sait pas mais, après cet moment ‘intime’, les deux hommes sont plus proches qu’avant : silences et regards échangés ne trompent pas…

D’un western, qui est réalisé au milieu de tous les autres westerns des années 60, nous assistons à une œuvre plutôt moderne. Les messages engagés (l’athéisme mis en avant, qui frise par moments l’anticléricalisme), les sous-entendus homosexuels, exprimés par des sentiments amoureux et éclairés par un triangle amoureux inhabituel (un homme et une femme convoitent le même homme), des tenues anachroniques (porter un pantalon moulant en cuir noir pour être un gros dur : qui y croit ?) apportent un intérêt tout particulier à ce film et lui donnant une dimension sociétale où la religion n’inspire par le respect, où les relations font foi des « classes » et même des conventions de genre !

José Rodrigues

LE CAVALIER NOIR

Séance du 20 juin 2016

Titre original : The Singer not the song

Réalisation : Roy Ward Baker

Scénario : Nigel Balchin, d’après le roman d’Audrey Erskine Lindop The Singer Not The Song (Appleton Century Crofts, 1953)

Avec : Dirk Bogarde, John Mills, Mylène Demongeot

Durée : 2h01

Production : GB (1961)

Un prêtre catholique, le père Michael Keogh, va au Mexique pour reprendre en main une paroisse isolée qui vit sous la terreur d’un bandit farouchement athée, Anacleto. Affrontant sans crainte ce dernier, le religieux interpelle le criminel qui lui porte un intérêt tout particulier….

« La dernière réplique du film, retenue comme titre de la version originale, exprime de manière explicite le thème majeur de l’homosexualité qui parcourt tout le scénario. Or ce thème a bizarrement disparu de la version française. Le Cavalier noir est souvent cité comme l’exemple type du détournement de sens que peut subir un film à partir d’une traduction intentionnellement faussée. En effet, dans la version française, la stratégie amoureuse du bandit vêtu de cuir se métamorphose en mélodrame religieux particulièrement édifiant. Au moment de la sortie de la version française, la presse catholique publia des articles élogieux, jusqu’à l’apparition de la version originale sous-titrée convenablement, au Studio Parnasse. La découverte de la supercherie amusa beaucoup le milieu des critiques cinématographiques. Le Cavalier noir devenait une sorte de film mythique ». (www.western-wild-west-movies.com)

Notre invité : Olivier Rossignot, rédacteur en chef cinéma du site Culturopoing

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