Séance du 17 décembre 2013.

affiche-cabaret-le7egenre

Réalisation: Bob Fosse

Scénario: Jay Allen, Christopher Isherwood, Joe Masteroff, John Van Druten.

Avec: Liza Minelli, Mickael York, Joel Grey, Marisa Berenson.

Durée : 2h04

Production: EU (1972)

Sallly Bowles, une chanteuse américaine dans le Berlin des années 30, travaille chaque soir au “Kit Kat Club” devant une foule interlope. Elle tombe amoureuse d’un jeun écrivain britannique, Brian, qui partage le même pension de famille et donne des leçons d’anglais pour vivre. Tous les deux sont séduits par un aristocratre fortuné et sulfureux, Maximilian…

Subversif et cynique, ce film explore la montée du nazisme vue du microcsome d’un club entre noiceur et paillettes. Deuxième long-métrage de Bob Fosse, Cabaret est inspiré de la comédie musicale éponyme de John Kander et Fred Ebb, créée avec un grand succès à Broadway en 1966. La comédie musicale est elle même adaptée de la pièce I am a camera du dramaturge anglais John Van Druten (publiée en 1951) et du roman Adieu Berlin de l’écrivain anglais Christopher Isherwood (publié en 1939).

Notre invité : Alain Riou, journaliste et critique de cinéma (Le Nouvel Observateur, Le Masque et la Plume sur France inter, Le Cercle sur Canal +). Il est également scénariste, réalisateur et acteur.


Adieu à Berlin, livre de Christopher Isherwood dont est tiré en partie le film, a été publié pour la première fois en anglais en 1939.

 Du 7e genre au 7e ciel (Article de notre invité, Alain Riou, sur la séance)

Si vous présentez un film dans un ciné-club, choisissez de préférence une  comédie musicale, car rien n’est plus valorisant. Quel que soit son thème, même s’il est grave, et plus encore s’il possède une dimension tragique, le rythme et la danse qui l’animent communiquent aux spectateurs un sentiment d’euphorie d’autant plus vif que le film, s’il est bon, devient un vaccin contre les sourdes tristesses de la vie, et que le charme qui s’en dégage demande à être prolongé, après le mot « fin »,  entre nous, qui avons partagé la fête. Ce soir là, Anne Delabre avait eu deux excellentes idées.  Celle d’avoir choisi Cabaret, de Bob Fosse, qui est probablement, par ordre chronologique, la première grande comédie musicale moderne. Et celle, excellente pour moi, de m’avoir demandé de la présenter, car la nature de 7e Genre fait que les qualités très particulières de Cabaret m’apparaissaient davantage dans cet environnement que sur un écran ordinaire. Il faut savoir que le cinéma américain, dont l’énergie a toujours été insurpassable, les moyens illimités et les artisans les meilleurs du monde souffrait à l’époque encore d’une étroitesse d’esprit désarmante, surveillé par la vétilleuse censure de l’opinion publique au pouvoir dans le Mid-West. De sorte que toute une partie de la complexité humaine lui échappait, sauf dans la comédie musicale. L’érotisme étant une valeur un peu trop compliquée pour faire l’objet d’un catalogue, Hollywood l’avait accepté, mais cantonné dans la comédie musicale. Et si les Majors Compagnies commençaient tout juste à accepter que quelques-uns de leurs films relatent la complexité de la nature humaine, tout le beau flou amoureux, les incertitudes et les ambivalences hantaient les films musicaux sans que les esprits intolérants s’en formalisent – et même s’en aperçoivent. Cabaret allait beaucoup plus loin. Le message du film, sa profondeur, son chatoyant plaidoyer en faveur de l’ouverture de cœur et d’esprit, la dureté des événements qui s’y déroulent, et la certitude que l’art est la seule réponse à la folie est d’une telle subtilité qu’aucun texte ne peut l’égaler, aucune phrase en rendre à la fois la complexité, la vigueur et la grâce. Et c’est ainsi que ce soir-là, comme tous les soirs du ciné club d’Anne d’ailleurs, l’escalier interminable du boulevard de Strasbourg qui semblait descendre en enfer menait au ciel. Et qu’à la fin du film, les invités, dès qu’ils avaient réussi à cacher leurs larmes, entraient dans une discussion qui atteignait le plus haut degré de la science, puisqu’elle se résumait, en fait, à un échange de cris de joie.