Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le cinéma de patrimoine : Pourquoi certains titres sont-ils devenus invisibles ? Qui décide de la restauration d’une œuvre et en quoi consiste-t-elle ? Quels sont les critères retenus pour la sélection ? Un film des marges peut-il devenir patrimonial ? Comment faire (re)découvrir un ‘vieux film’ ?…
Nos invité.e.s : Cécile Farkas, directrice éditoriale Doriane Films, Stéphanie Heuze, programmatrice, fondatrice de Hors-circuits (vente de livres et DVD/Blu-Ray, spécialiste des films rares, inclassables ou introuvables), Jean-Fabrice Janaudy, gérant-programmateur des Acacias distribution et cinéma Le Vincennes, Caroline Patte, chargée d’étude pour la valorisation des collections au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)
Avec : Mari Törőcsik, Jaroslava Schallerová, Athina Papadimitriu, Ágnes Pataki
Hongrie – 1h35
Un couvent peut abriter les rivalités les plus secrètes, derrière lesquelles se cachent souvent les désirs les plus ardents. C’est précisément ce jeu de convoitise et de pouvoir dont La Fourmilière (Hangyaboly, 1971) témoigne, d’une façon subtile et presque intemporelle. Huis clos marivaudien à la fois politique et sentimental, adapté du roman éponyme de Margit Kaffka (paru en 1917), le film ne s’en tient pas au portrait lucide d’une dizaine de religieuses isolées. Cette œuvre haletante explore les rapports que chacune entretient à l’autorité (moins purement théologique que proprement humaine), au moment où l’institution ecclésiale doit se choisir une nouvelle mère supérieure. Un chef d’œuvre inédit en France réalisé par le grand cinéaste hongrois Zoltán Fábri (Un petit carrousel de fête, Le Cinquième Sceau), avec au casting la fascinante Mari Törőcsik.
La projection sera suivie d’un débat avec Mathieu Lericq, chercheur et enseignant à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, spécialiste des cinématographies centre-européennes. La séance est organisée en coopération avec l’Institut Liszt de Paris
Avec : Enrique Rivero, Lee Miller, Féral Benga, Pauline Carton, Jean Desbordes
Premier film de Jean Cocteau, Le Sang d’un poète, tourné en 1930, est une œuvre dominée par le voyeurisme. Il s’agit, au propre et au figuré, de mettre son œil au trou de la serrure et de regarder en fraude ce que le monde interdit dissimule : les paradis artificiels, la sexualité déviante, l’inguérissable douleur de l’enfance blessée. L’écrivain Jean Desbordes, amant de Cocteau , y joue deux personnages : Louis XV et surtout l’ami du poète qui assiste à sa mort. Un film majeur, intemporel. Une occasion unique de voir Jean Desbordes qui après sa rupture avec Cocteau se maria. Sa femme, Madeleine, féministe avant l’heure, sera à ses côtés pendant la résistance. Elle fut déportée à Ravensbrück, il fut torturé à mort par la milice française sans parler
Samedi 1er avril 2023 de 14h00 à 19h30- cinéma Le Brady.
Focus sur deux films emblématiques inédits en France et conférence d’Emmanuel Le Vagueresse.
14h : Los Placeres ocultos (1977)
Los Placeres ocultos (Les Plaisirs cachés), montre un banquier ‘dans le placard’, en proie au doute sur la conduite à mener lorsqu’il tombe fou amoureux d’un jeune hétérosexuel, Miguel. Eloy de la Iglesia, l’un des réalisateurs les plus prolifiques des années 70 et début 80, mais aussi parmi les plus scandaleux, sait conjuguer (au grand dam des conservateurs d’un pays en pleine transition démocratique après la mort de Franco), propos politique et divertissement grand public… Sans oublier des regards glissants sur le corps du beau et sexy Miguel.
15h40 : « Les représentations des LGBTQI+ à l’écran pendant la période de la transition démocratique espagnole. »
Le 20 novembre 1975, le général Franco décède, après presque quarante ans de dictature. L’Espagne accède peu à peu à cette démocratie rêvée par la grande majorité de la population, Avec le droit de penser… et d’aimer comme on le souhaite. Du précurseur Cambio de sexo (Vicente Aranda, 1977), avec son personnage transgenre présenté positivement, jusqu’à la faune queer de Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (1980), le premier long-métrage de Pedro Almodóvar, en passant par Los Placeres ocultos (1977) et El Diputado (1978) d’Eloy de la Iglesia, le nombre de films LGBTQI+ de cette époque de transition (entre 1975 et 1982) est impressionnant. Ils ont sans doute contribué à changer la société espagnole et le regard sur les gays, lesbiennes et trans.
Conférence d’Emmanuel Le Vagueresse, professeur de littérature et de cinéma espagnols à l’Université de Reims- Champagne-Ardenne (URCA).
17h : El Diputado (1978)
El Diputado (Le Député) sort sur les écrans espagnols en octobre 1978, près de deux ans après la disparition du général Franco et un an après la fin de la censure. Ce film, inspiré en partie de la figure d’un député de gauche, montre le chemin parcouru par le cinéaste face à la visibilité et aux droits des homosexuel·le·s. Eloy de la Iglesia n’hésite pas ici à obliger le protagoniste à affronter son désir intime – un désir qui devient ainsi public – et, aussi, à filmer des scènes de nu frontal qui contribuèrent à faire venir les spectateurs”
La projection sera précédée d’une présentation par Emmanuel Le Vagueresse Le 7e genre remercie tout particulièrement le festival Ecrans Mixtes (Lyon) pour le sous-titrage des deux films programmés.
D’après la pièce Gestern und Heute de Christa Winsloe.
Avec Hertha Thiele, Dorothea Wieck, Emilia Unda.
Dans un pensionnat allemand pour jeunes filles de bonne famille, où règne une stricte discipline, une élève s’éprend de sa professeure, au mépris des interdits. Réalisé en 1931 par Léontine Sagan, avec des sous-titres de Colette pour la version française, Jeunes filles en uniforme (Mädchen in Uniform), adaptation d’une pièce de Christa Winsloe datant de 1930, est l’un des premiers films dont l’intrigue s’articule ainsi autour de l’homosexualité féminine.
Avec son casting entièrement féminin, dont Erika Mann dans un second rôle, le film peut se lire à la fois comme une critique féministe d’une société patriarcale, une dénonciation de l’autoritarisme prussien et une célébration du désir lesbien. Grand succès critique et public sous la République de Weimar, il fut interdit par le régime nazi et resta longtemps oublié.
Cette séance est organisée en partenariat avec les éditions ErosOnyx , maison d’édition créée en 2007 spécialisée dans les « ouvrages nouveaux ou anciens, originaux ou traductions, relatifs aux sexualités d’aujourd’hui, d’hier et de demain ».
En juin 2022, ErosOnyx a publié le livre Jeunes filles en uniforme (Hier et aujourd’hui)qui comprend une traduction française, modernisée, de la pièce de Christa Winsloe, Gestern und Heute (Hier et aujourd’hui), jouée à Berlin en 1930 et représentée à Paris dès 1932 sous le titre Demoiselles en uniforme. Il est accompagné du DVD du film de Leontine Sagan, Mädchen in Uniform ( Jeunes filles en uniforme ), tiré de la pièce allemande, sorti en 1931 en Allemagne et l’année suivante en France, en VO avec des sous-titres… de Colette.
Documentaire de Delphine Seyrig – (France – 1976 – 112 mn) – ressortie en copie restauré par la Bnf. (Splendor films)
En 1976, Delphine Seyrig s’entretient avec 23 actrices sur leurs conditions de femmes dans l’industrie cinématographique, leurs rapports avec les producteurs et réalisateurs, les rôles qu’on leur propose et les liens qu’elles entretiennent avec d’autres comédiennes. Un documentaire culte, qui permet de réaliser ce qui a changé (ou pas).
La projection suivie d’un débat avec Anne Delabre, journaliste et programmatrice du ciné-club Le 7e Genre, Nicole Fernández Ferrer, membre du conseil d’administration et ancienne déléguée générale du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir. et Geneviève Fraisse , philosophe de la pensée féministe et directrice de recherche émérite au CNRS
Avec Valentine Nonyela, Sophie Okonedo, Jason Durr, Mo Sesay.
Grand-Bretagne, 1991 – 102 mn)
Young Soul Rebels, inédit en salle en France, est le deuxième long métrage de Isaac Julien, artiste total récompensé par la Semaine de la Critique à Cannes en 1991, deux ans après le sulfureux Looking for Langston (1989) qui le fait remarquer de toute l’intelligentsia artistique par son esthétique mais aussi, son culot de présenter Langston Hugues, le plus grand poète africain américain, ouvertement comme gay. Young Soul Rebels est cette fois ancré dans une réflexion sur le racisme au sein de la communauté gay dans le Londres de la fin des années 70 où Isaac Julien a fait ses armes. La liberté des relations interraciales n’empêche pas la question du racisme d’émerger autour d’une intrigue meurtrière sur fond de naissance du rap londonien.
Notre invité : Sandeep Bakshi , maître de conférence en études décoloniales et queer à l’UFR d’Études Anglophones de l’Université Paris Cité , auteur de l’ouvrage collectif Decolonizing Sexualities (2016).
Avec Vivien Leigh, Warren Beatty, Lotte Lenya, Coral Browne
Scénario: Gavin Lambert, Jan Read (d’après l’œuvre originale de Tennessee Williams)
Durée: 103 mn
Production: GB (1962)
Pour définir Le Visage du plaisir, tiré d’un roman de Tennessee Williams, un néologisme s’impose : le « mélodrag ». Soit une catégorie de mélodrames dont les héroïnes constituent des alter ego de scénaristes et de cinéastes masculins généralement gays. Vivien Leigh y incarne une ancienne star du théâtre qui entame une liaison avec un gigolo convoitant sa fortune. Mrs Stone, comme nombre de personnages féminins créés par Williams, apparaît comme le double travesti du dramaturge, investi de ses angoisses et de ses questionnements. Comme lui, elle est une importante personnalité du monde du théâtre qui refuse de vieillir et oscille entre sa convoitise pour de jeunes hommes et un fond de culpabilité bourgeoise. Subtilement queer et largement Camp, le film était l’adaptation de son œuvre que Williams préférait.
Nos invités: Pascal Françaix, auteur de la trilogie Camp! (Marest Editeur) qui présentera la séance en vidéo, et Grégoire Halbout, maître de conférence émérite, spécialiste du cinéma classique hollywoodien.
Presentation du film Le visage du plaisir par Pascal Françaix.
Avec Rita Tushigham, Colin Campbell, Dudley Sutton
Scénario Gillian Freeman (d’après son roman)
Durée: 108 mn
Production: GB (1964)
Adapté d’un livre de 1961 et diffusé au Royaume-Uni trois ans plus tard, The Leather Boys est loin du porno S/M que le titre laisse envisager. Le sous-texte, en revanche, est omniprésent, tant les dialogues machos et les minettes qu’on épouse sans réfléchir font la part belle aux amitiés masculines. Reggie, marié à 18 ans, se découvre des affinités pour le bien-nommé Dick, qui l’accueille dans la chambre qu’il occupe chez sa grand-mère, où il faut partager un lit. Quand Reggie comprend que sa femme lui ment à longueur de journée, il accepte l’offre de Dick d’embarquer pour une nouvelle vie en Amérique. Vont-ils frotter leurs cuirs à celui de Marlon Brando, ou partir en virée avec Easy Rider ? Rien n’est moins sûr dans le Londres étriqué des années cinquante.
Notre invité : Richard Dyer, professeur émérite de cinéma à King’s College London, auteur de nombreux ouvrages sur la représentation de l’homosexualité au cinéma.
Vendredi 30 septembre 2022 (16h-18h) – Maison de la Recherche de Sorbonne Université, 28 rue Serpente, 75006 Paris, amphi Molinié (rez-de-chaussée).
Conférence avec Catherine Gonnard (chargée de mission à l’Ina) et Elisabeth Lebovici (historienne de l’art).
Résumé : « Entre 1955 et 1969, des cultures et sociabilités féminines non normatives apparaissent à la télévision française. Certaines émissions de variétés introduisent des formes de présentation de soi et de relationnalité rompant avec la hiérarchisation binaire des genres. Invisibles aux yeux d’un public non averti, ces figures, qui ne s’identifient pas comme homosexuelles, contribuent cependant à constituer la culture lesbienne francophone de l’après-guerre en objet d’études pour la théorie queer. »
Cet événement, organisé à l’initiative de l’association le 7e genre, se déroule dans le cadre du séminaire Genre, Médias et Communication, organisé par le laboratoire GRIPIC (CELSA/Sorbonne Université), avec le soutien de Philomel, réseau des études de genre à la Sorbonne. Merci à Nelly Quemener et Virginie Julliard pour leur invitation.
Elisabeth Lebovici et Catherine Gonnard. Paris, 30 septembre 2022, Maison de la Recherche de Sorbonne Université.